Confinement : comment bien manager ses collaborateurs en télétravail ?

A la fois inédit, incertain, complexe et donc stressant, le contexte de crise que nous traversons est à l’origine d’une généralisation du télétravail pour une durée indéfinie, sans que les entreprises y soient préparées. Ce télétravail massif, brutal et permanent entraîne une perte de repères, une perméabilité accrue entre vie professionnelle et vie familiale, une transformation des relations entre collaborateurs et managers, un bouleversement des priorités, la quête d’une nouvelle direction, d’un nouveau sens…

Comment se réapproprier son rôle du manager dans ce contexte et quelles en sont les vigilances ?
5 axes sont à retenir :

  1. Il est essentiel au préalable de « se manager » dans cette situation avant de manager son collaborateur. Avoir conscience de son propre état d’esprit et de l’impact qu’il peut avoir sur son comportement est essentiel pour un manager.
    Il s’agit de se poser de bonnes questions, telles : Qu’est-ce que je me dis sur la situation ? Y a-t-il beaucoup de « on est mal parti, je dois être fort, il faut » ? Quelles sont mes exigences, telles « toujours faire vite tout de suite, faire plaisir, ne surtout rien oublier ?» Ai-je bien identifié les ressources mais aussi les risques de ces pensées spontanées (par exemple l’hypercontrôle, le manque de délégation) ? Ces différents messages peuvent influencer le mode de management et se transmettre aux collaborateurs jusqu’à être parfois toxiques. Comment m’aider à prendre du recul, avoir un regard intégrant la complexité de la situation ?  Et pourquoi pas comment me faire aider ? Cette démarche pourrait se résumer à « Prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres »
  2. Il est aussi important de restaurer un cadre sécurisant en repensant le cadre organisationnel. Il s’agit de redistribuer les rôles, réorganiser les priorités et donner ainsi de la vision à vos collaborateurs. L’idéal est de définir ensemble quels dossiers prioriser, d’expliquer à chacun la nouvelle organisation. Quand l’activité n’est plus faisable, inventer, si possible, de nouvelles missions : on peut demander à un salarié de profiter de cette période pour se former, faire du « benchmarking » ou anticiper des projets. Il est important de définir des plages horaires possibles, quitte à réadapter ses horaires, en particulier, dans le cas où le collaborateur a des enfants chez lui. Il est important d’identifier les collaborateurs qui ont tendance à ne plus maintenir la distance entre leur vie professionnelle et personnelle afin de pouvoir les aider à structurer leur journée.
  3. Manager à distance, puisqu’il s’agit de cela, c’est garder le lien et recréer une confiance mutuelle, en pensant à :
  • Développer l’espace expression,  malgré le contexte : laisser un temps d’écoute individualisée (sans l’imposer) et d’échange dans l’équipe, favoriser le travail d’équipe, mais aussi des temps conviviaux qui peuvent par exemple être l’occasion de mieux connaître le contexte familial,
  • Cultiver le feed-back individuel et d’équipe et souligner les réussites (cela rassure votre collaborateur qui en ces temps, se pose beaucoup de questions, sur son propre travail),
  • Imaginer des nouvelles formes de convivialité, telles des pauses « machine à café » virtuelles, des apéros…,
  • Proposer de votre part une disponibilité « organisée »,
  • Et pourquoi pas un support d’échange (WhatsApp ou autre) permettant à chacun de poster des éléments professionnels ou pas ?
  1. Il est important de mettre en place des conditions favorisant l’engagement pérenne de chacun :
  • Développer vision et sens (objectifs, projets, contributions),
  • Favoriser la confiance grâce à un management par objectif, plus participatif voire délégatif. Ce qui implique de laisser les collaborateurs autonomes, de se recentrer davantage sur les missions que sur les horaires et de ne pas les « fliquer », mais d’être là quand ils rencontrent une difficulté,
  • S’adapter à leurs motivations individuelles intrinsèques et sensibilités : chacun a des appétences qui lui sont spécifiques.
  1. Prévenir les risques psycho sociaux est le dernier point mais pas le moindre.
    Il suppose des actions précises :
  • D’abord, il est nécessaire plus encore qu’habituellement de développer des facteurs de protection tels la reconnaissance, l’autonomie… et d’adapter son comportement relationnel à chacun : rassurer, stimuler, prévenir les conflits,
  • Il est également important d’identifier les sujets à risque ; en particulier de « burn out » (trop investi, sensible à l’équipe, perfectionniste…) mais aussi de « bore out» ou « brown  out » (sensation inutilité, absence de sens…) afin de les accompagner de façon individualisée,
  • Il est, bien entendu, essentiel de reconnaitre les personnes en souffrance et de savoir les accompagner, les orienter, ce qui suppose d’avoir répertorié les différents moyens existant au sein de la structure ou ailleurs (téléconsultation médecin du travail, infirmière, psychologue, plateformes…).

DODIN Carole (Dr – Médecin et coach psycho-comportementale)